Le Maire de Tours Christophe Bouchet est revenu sur la descente du club sur France Bleu Touraine. Une interview intéressante soulevant plusieurs points afin d'essayer de relancer le Tours FC. Il fait un bilan alarmant mais juste de ce qu'il se passe actuellement, dont la coupure inquiétante entre le club et ses supporters :
Ce qui est inquiétant, c'est que cette relégation ne provoque pas d'émotion. Il y a une indifférence des Tourangeaux ! Si on continue comme ça, ce ne sera pas la défaite de Jean-Marc Ettori, ça sera la défaite du football tourangeau.
Dans ma carrière dans le football, je n’ai jamais vu quelqu’un réussir quand il est hors-sol. Pour réussir, il faut être là toute la semaine.
Jean-Marc Ettori est très attaché à son propre territoire, la Corse, qui est très éloigné d’ici. Soit il a une équipe locale dans laquelle il a confiance et avec qui il peut travailler. Soit il décide de tout, et dans ce cas-là, ça ne peut pas se faire depuis la Corse.
Après dix années passées en Ligue 2, le Tours FC est relégué en National. En tant que maire, quelles sont vos premières impressions ?
Aujourd'hui, cette relégation, c’est bien évidemment, et avant tout, la déception du supporter, la tristesse de l’ancien dirigeant, qui prime sur l’avis du maire. Après en tant que maire, je me dois de réfléchir à ce qu’il se passe avec le Tours Football Club, mais ce n’est pas ma première attention. La première attention, c’est la déception et la tristesse du supporter.
Beaucoup de supporters justement, jugent le président du club Jean-Marc Ettori responsable de cette situation.
Je pense tout d’abord que Jean-Marc Ettori a fait un certain travail à la tête du Tours FC. Il s’est engagé au sein de ce club dans un contexte compliqué, de réduction de dettes et d’amélioration des chiffres. C’est souvent difficile de conjuguer ça avec les résultats sportifs. Réduire la dette, c’est quelque chose qui était de son devoir d’actionnaire, et qu’il a fait.
En revanche, il y a une autre partie de son travail qui est plus compliquée, c’est sa relation avec les différents milieux de la ville : le milieu politique, le milieu économique, le milieu populaire. Ce sont des relations difficiles et personne n’est arrivé à améliorer ces relations. Or être hors-sol, dans un club, c’est complexe, d’autant que Jean-Marc Ettori est un personnage singulier, avec un fort caractère, et qu’il accorde peu de confiance à ses subordonnés.
Aujourd’hui, il faut qu’on étudie les choses avec lui parce qu’à l’évidence, s’il continue sur la même voie, avec cet isolement et cette pratique hors-sol de football, on ne peut pas y arriver. Dans ma carrière dans le football, je n’ai jamais vu quelqu’un réussir quand il est hors-sol. Pour réussir, il faut être là toute la semaine, il faut travailler avec les différents milieux de la ville. Donc il faut qu’on parle de ça avec lui. C’est un garçon dont on ne peut douter ni de l’enthousiasme, ni de l’envie, mais qui a un caractère particulier. Il est très attaché à son propre territoire, la Corse, qui est très éloigné d’ici. Donc il faut qu’il trouve une solution. Soit il a une équipe locale dans laquelle il a confiance et avec qui il peut travailler. Soit il décide de tout, et dans ce cas-là, ça ne peut pas se faire depuis la Corse.
Qu’est-ce qu’il faudrait faire ?
Il est difficile de lui donner des conseils. Il est dans une certaine configuration qu’il a lui-même choisie. Je crois qu’avant tout, Jean-Marc Ettori, il est passionné de football. Il aime ses clubs. Il a remis le club à l’équilibre financièrement, dit-il, et il faut que tout le monde l’en remercie, même si sur le plan sportif, ça a eu des conséquences dramatiques cette année.
Mais il faut vraiment revoir les conditions : les conditions dans lequel évolue le club aujourd’hui sont compliquées pour chacun. Elles sont compliquées pour les supporters, mais aussi pour Jean-Marc Ettori, qui a une réelle envie. Donc il faut regarder comment on peut avoir ce travail ensemble pour le club.
Pour l’image de la ville, cette descente peut-elle avoir des conséquences ?
Ce que je note, et c’est extrêmement inquiétant, c’est qu’il n’y a pas une grande émotion. Il y a même une certaine indifférence des Tourangeaux à ce retour en National. Il y a quelque chose qui s’est distendu - rompu je ne le pense pas -, mais distendu entre la ville et le club. C’est ça qu’il faut essayer de réassembler et de revasculariser. C’est ça qu’il faut vraiment revoir au Tours Football Club : un club ça doit être une ville dans son ensemble, des supporters jusqu’aux milieux politiques et économiques.
Pour l’image de la ville, que le club soit en National, ce n’est pas grave. Mais en revanche, avoir un club de Ligue 1 ou de Ligue 2, c’est toujours mieux pour une ville. On peut y arriver. Des villes qui nous ressemblent ont un club de Ligue 1. Angers, Dijon, Amiens, Caen, ont des clubs de Ligue 1. Donc on doit pouvoir y arriver.
Mais la question qu’il faut vraiment se poser, c’est : pourquoi à Tours, depuis une quinzaine d’années, on a des actionnaires extérieurs à la ville, alors qu’à Angers, Dijon, Caen, ce sont des actionnaires locaux ? C’est bien qu’il y a un problème ici. Certes Jean-Marc Ettori porte une responsabilité, mais notre territoire en porte une autre part.
Avez-vous peur que le Tours FC perde le statut professionnel ? Avec cette descente en National, il va y avoir une baisse des dotations des droits TV de 3 à 4 millions… Cela peut être difficile à gérer pour la suite.
Le changement de division est toujours extrêmement complexe. Il y a une diminution des revenus de Ligue 1 à Ligue 2, puis de Ligue 2 à National, puis de National à CFA, etc. Il y a à chaque fois une énorme marche. Quand vous tombez de cette marche-là, ça fait mal et c’est difficile par la suite.
Mais soyons tout de même prudents et modérés : en championnat de National, il y a désormais des règlements qui ont été conçus de façon à amortir les chutes. Il faut que les dirigeants Tourangeaux s’en saisissent. Il ne faut pas pleurer sur ce qu’on a perdu, il faut regarder ce qu’on a gagné. Croyez-moi : il y a vingt ans, quand vous passiez de Ligue 2 à National, votre club était fini, vous n’aviez plus un euro en caisse. Là, il y a des systèmes d’amortisseurs qui ont été créés par la Ligue de football professionnel (LFP). Donc il faut en profiter et regarder le verre à moitié plein, se dire qu’il y a encore pendant les deux prochaines années des revenus qui vont être générés par l’extérieur. Il faut en profiter rapidement pour relever la tête. Peut-être que l’année prochaine, à cette époque-là, on fêtera la montée.
Mais pour ça, il faut rapidement impulser un nouveau projet.
Oui, c’est une discussion qu’il faut avoir avec Jean-Marc Ettori pour savoir comment il envisage les choses pour la suite. Mais s’il continue, si nous continuons à les envisager de cette manière-là, personne n’arrivera à rien. Ni Jean-Marc Ettori, ni personne d’autre. C’est bien de cibler tel ou tel, car ça défoule les uns et les autres. Mais je mets ceux qui critiquent en garde : si on continue de cette manière-là dans le football tourangeau dans son ensemble, ça ne sera pas la défaite de Jean-Marc Ettori, ça sera la défaite du football.
Paradoxalement, les jeunes du Tours FC, les U19, eux, sont en finale de la coupe Gambardella au Stade de France le 8 mai prochain. L’avenir du centre de formation est très important.
C’est peut-être la question la plus importante de cette relégation : comment conserver l’attractivité de notre centre de formation alors que notre équipe évolue en National. Aujourd’hui, grâce aux éducateurs tourangeaux, nous avons un centre de formation reconnu qui fonctionne très bien. Il faut que ça continue à bien fonctionner. Notre centre de formation est la perle qu’il faut continuer de polir. C’est peut-être par-là que le Tours FC pourra s’en sortir.
Avec cette descente, la ville va-t-elle se désengager financièrement dans la vie du club ?
Non, ce n’est pas prévu.