Voici la suite de notre rubrique concernant l'histoire du club. Agrémentée par un supporter tourangeau, Philippe, qui nous fait gracieusement partager ses archives.
Jacky Vercruysse (à droite) déborde Verger (Evry)
De la friture sur la ligne ...
Une simple petite ligne retrace cette opposition des 16èmes de finale de la Coupe de France 1985-1986. Une petite ligne froide : FC Tours (D2) bat AS Evry (DHR) : 0-0, 3-0. Un résultat logique sanctionnant une confrontation ordinaire. Ordinaire à un détail près : Evry, club de Division Honneur Régionale (sixième niveau national) est à ce stade de la compétition le Cendrillon de la Coupe et à ce titre le chouchou des médias. D'autant plus chouchouté qu'il s'agit d'un club de l'Essonne et que les journalistes des rédactions parisiennes se sont trouvés un nouveau motif d’emballement après le PSG et le RC Paris. Ce qui expose bien malgré eux les tourangeaux à une lumière médiatique de laquelle ils ne sont guère coutumiers.
Effectivement, Evry n'est pas à prendre à la légère puisque c'est lui qui a signé l’exploit des 32èmes de finale en éliminant 1-0 le SC Toulon (D1) avec ses Emon, Ginola et ... Onnis ! Mais bon, c’était sur un match. Alors que ces 16èmes se règleront sur deux matches et que le FC Tours aura l'avantage de recevoir au retour. Le problème est que Tours n'est pas flambant en championnat, n'ayant visiblement pas digéré sa descente récente de l'Elite. Après un départ très décevant, Serge Besnard a laissé sa place d'entraîneur à Yvon Jublot. L'équipe va un peu mieux mais n'est pas encore très sûre de ses forces. C'est donc prudents que les tourangeaux se présentent à Corbeil pour le match aller dans une enceinte qui a fait le plein (6.000 spectateurs surchauffés). Tours présente Desrousseaux - Morabito, Loiseau, Zdun,Darmendrail – Coiffier, Diecket, Rubio (cap.), Vercruysse – Manon, Vargas Rios.
Incroyable, mais malgré les quatre divisions d'écart, Tours n'est pas favori. Jublot ne s'y trompe pas : « Nous sommes venus pour créer la surprise. » Pas plus que les nombreux photographes qui se sont massivement installés derrière les buts des Bleus. Le résultat nul et vierge qui sanctionne un match où les occasions de vibrer auront été rares semble satisfaire tout le monde. Les évryens qui viennent de tenir en échec une équipe professionnelle pour la troisième fois. Les tourangeaux qui, souvent en difficultés, ont assuré l’essentiel et comptent bien forcer la décision au retour.
Des tourangeaux qui présentent un visage plus offensif pour cette deuxième confrontation quatre jours plus tard, alignant Desrousseaux – Morabito, Loiseau, Zdun, Coiffier – Quéry, Vercruysse, Rubio (cap) – Manon, Vargas Rios, Devillechabrolle. Tours sans grand génie fait le boulot, ouvrant rapidement la marque par Manon (11e) et gérant son avantage avant d’enfoncer le clou à deux reprises en fin de match : Morabito (80e) et Vargas Rios (84e). Trois-zéro, net et sans bavures ? Non. Net mais pas sans bavures car décidemment il se passe toujours quelque chose avec le club tourangeau. La presse se déchaîne contre la formation du FC Tours et le journal l'Équipe mène la meute. Le titre de l'article relatant ce match retour intrigue : « La fête gâchée » et Pierre Ménès, envoyé spécial, défouraille d'entrée : « On connaissait les équipes qui ne savent pas perdre. Eh bien, on peut vous assurer qu'il y a des équipes qui ne savent pas gagner. Dans ce domaine, les tourangeaux en ont fait la démonstration samedi contre Evry. »
Bernard Mercadal, l'entraîneur parisien, confirme : « Un seul regret, l'attitude déplorable de nos adversaires qui ne font vraiment pas honneur à leur sport. » Qu'est-il reproché exactement à la formation tourangelle ? Principalement d'avoir refusé d'échanger son maillot avec l'équipe parisienne à l'issue de la rencontre. C'est toujours Pierre Ménès qui raconte : « Jean-Marc Desrousseaux, un rien gêné, vint dès le coup de sifflet final féliciter les évryens et leur proposa de venir échanger leurs maillots. Toute l'équipe banlieusarde se dirigea donc vers les vestiaires tourangeaux et lorsqu'ils ouvrirent la porte, le grand (par la taille) Loiseau leur cria : « Tirez-vous, on veut pas échanger nos maillots avec vous ! »
On fait réagir Gilles Alla, le gardien : « Je préfère cent fois le maillot de mon club à celui de ce genre de professionnels. » Ajoutons qu'il est révélé qu'après le deuxième but qui assurait la qualification tourangelle, Paco Rubio est allé faire un énorme bras d'honneur devant la tribune réservée aux supporters parisiens et voilà le FC Tours habillé pour l'hiver de la Coupe de France. Mais les médias s'acharnent. Le samedi suivant, l'Équipe Magazine, dans sa rubrique « Carton rouge », épingle les footballeurs tourangeaux « pour comportement imbécile. » Ce qui provoque la réaction de supporters qui écrivent au « courrier des lecteurs » pour fustiger le traitement à sens unique de cette affaire qui sent bon l'affrontement traditionnel Paris - Province. L'occasion de mieux comprendre le comportement pas très fair-play (c'est un euphémisme) des tourangeaux. De parler de l'attitude des supporters d'Evry bombardant de boules de neige tout joueur bleu s'approchant de leur tribune à l'occasion des touches et corners. De parler de l'attitude méprisante de la presse parisienne à l'égard de la formation tourangelle depuis le tirage au sort. De parler de l’attitude des joueurs essonniens eux-mêmes accusés d'avoir développé une certaine arrogance à l'égard de leurs adversaires.
Ce dernier point sera confirmé la saison suivante après une qualification contre le club breton de Guipavas, en DHR lui aussi. Interrogé sur l'échange de maillots qui avait eu lieu à la différence d'Evry, la réponse de Paco Rubio fuse : « Guipavas était sympathique. Evry se prenait pour une équipe pro et nous avait pris pour des amateurs. Voilà toute la différence. » L’affaire est maintenant close et effacée de nos mémoires depuis longtemps. Ne subsiste qu’une simple petite ligne ...
Les équipes tourangelles :
Match aller : Desrousseaux - Morabito, Loiseau, Zdun, Darmendrail - Coiffier, Diecket, Rubio (cap.), Vercruysse - Manon, Vargas Rios.
Match retour : Desrousseaux - Morabito, Loiseau, Zdun, Coiffier - Quéry, Vercruysse, Rubio (cap.) - Manon, Vargas Rios, Devillechabrolle.
Oncle Phil
Dominique Morabito (en bleu) à la lutte avec un défenseur évryen
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